Un associé peut être judiciairement autorisé à se retirer d’une société civile s’il fait valoir de justes motifs (C. civ., art. 1869).
La question est importante en pratique.
Il existe de nombreuses hypothèses où les associés perdent avec le temps l’envie de rester associé, ou que les raisons qui les avaient poussé à le faire, viennent à disparaître.
Il est souvent retenu que la mésentente doit menancer le fonctionnement de la société, mais des décisions récentes valident le droit au retrait, sur justification de bonnes raisons (justes motifs) pour quitter la société.
La notion de « justes motifs », qui ne reçoit pas de définition légale, est laissée à l’appréciation des tribunaux, soit au cas par cas et qui comme pour toute matière jurisprudentielle est soumise à évolution.
L’arrêt commenté pose le principe que l’absence d’intérêt d’un associé à demeurer dans une SCI depuis qu’il a divorcé de sa conjointe avec qui il reste associé, justifie son retrait sans qu’il soit nécessaire de constater que leur mésentente entraîne un dysfonctionnement de la société.
Cette précision est importante car l’exigence d’un blocage du fonctionnement de la société est traditionnellement une démonstration exigée pour autoriser le retrait.
Les faits sont assez nets.
Dans une SCI familiale constituée à l’origine entre des époux, leur fille et le conjoint de celle-ci, ce dernier, après divorce, a demandé judiciairement à être autorisé à se retirer de la société.
Le juge retient que la séparation du couple a fait disparaître tout affectio societatis (consentenement spécial pour la création d’une société, « l’envie de s’associer ») concernant l’ex époux et qu’il n’a donc, du fait du divorce, plus aucun intérêt à demeurer associé d’une société dans laquelle il est minoritaire (moins d’un quart des droits sociaux) et dont le seul actif est constitué de l’immeuble occupé par son ex-épouse, lequel ne génère aucun revenu pour la société alors que celle-ci en assume les charges.
Plus grave, il était établi par l’associé désireux de se retirer (et cette situation se retrouve souvent en pratique), que les associés majoritaires avaient fait le choix de la mise à disposition gratuite de l’immeuble, imposant ainsi à l’associé minoritaire,d’immobiliser son capital) tout en le privant de revenus.
En défense, les associés ont mis en avant l’intérêt social et soutenu que le retrait allait avoir des conséquences lourdes : le remboursement par la société de la valeur des droits sociaux du retrayant (avec sans doute une discussion sur l’estimation), et par voie de conséquence, à la dissolution de la société, celle-ci n’ayant aucune liquidité.
La Cour de cassation ne retient pas les arguments, sans doute aussi parce que l’absence de liquidités était la conséquence du choix de la mise à disposition gratuite de l’immeuble.
La Cour pose le principe qu’il existe des justes motifs de retrait sans qu’il soit nécessaire de constater que la mésentente entre les associés entraînerait le dysfonctionnement de la société.
Le risque de dissolution ne suffit pas à contraindre l’associé à rester.
Cette décision peut etre rapprochée d’un autre arrêt dans le même sens (Cass. 3eciv., 20 mars 2013, n° 11-26.124).
C de Cass. 3e civ., 11 févr. 2014, pourvoi n° 13-11.197 (disponible sur légifrance)
En pratique, une fois le droit au retrait autorisé, il faudra évaluer la valeur de la participation….
Le parcours de l’associé qui désire se retirer est un parcours du combattant.
Mais celui qui ne veut plus rester associé, peut donc, s’il justifie de justes motifs appréciés au cas par cas, se séparer de ses anciens associés.
En pratique, il faut toujours prévoir dans les statuts des clauses autorisant et encadrant les conditions et modalités de sortie, méthode d’évaluation des titres comprise.
La remarque vaut évidemment aussi pour les sociétés commerciales et spécialement dans les sociétés marquées par un fort attachement à la personnalité des associés.
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