L’utilisation du compte courant d’associé comme outil de financement n’est-elle pas de nature à heurter le monopole bancaire ? Peut-on librement fixer le taux d’intérêt des avances en compte courant ? Peut-on librement conclure une convention de compte courant avec sa société ? Comment obtenir le remboursement de son compte courant d’associé ?
Le compte courant d’associé est un outil de financement de la société prenant la forme d’un contrat de prêt entre cette dernière et un associé ou un dirigeant détenant au moins 5 % du capital.
L’associé peut décider de prêter une somme à la société en la laissant en compte courant. Il peut s’agir d’une somme apportée en compte courant, de dividendes, de jetons de présence, d’une fraction de la rémunération d’un associé salarié, etc.
Le compte courant d’associé est donc un contrat de prêt, en sorte qu’il faut nécessairement tenir compte du monopole bancaire et de la stipulation du taux d’intérêt.
L’article L511-5 du Code monétaire et financier interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel. Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement.
L’article L312-2 du Code monétaire et financier apporte quelques dérogations à la règle et permet à la société de recevoir des avances en compte courant des personnes suivantes :
La Cour de cassation considère que l’octroi de divers prêts successifs à la même personne ne caractérise pas l’exercice illégal de la profession bancaire. Le caractère habituel des opérations de banques fait défaut dès lors que les prêts ont été consentis à la même personne. Il s’ensuit qu’un compte courant d’associé peut constituer le support d’un ensemble d’avances successives au profit d’une même société sans constituer une atteinte au monopole bancaire par l’associé. En revanche, l’associé qui détient des participations dans plusieurs sociétés et qui les finance en compte courant pourrait se voir reprocher de se livrer de manière habituelle à des opérations de crédit.
Attention : Des sociétés d’un même groupe peuvent pratiquer de manière habituelle des avances en compte courant alors même qu’il s’agit d’opérations de banque (Article L511-7, 3° du Code monétaire et financier).
La convention de compte courant doit encore porter indication du taux d’intérêt (article 1907 du Code civil), si bien sûr les avances en compte courant sont rémunérées.
Puis la convention de compte courant doit indiquer le taux effectif global (article L313-2, alinéa 1 du Code de la consommation) et ce taux effectif global ne doit pas excéder de plus du tiers le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour les opérations de même nature comportant des risques analogues, sauf à ce que le taux soit usuraire.
Les intérêts versés à l’associé prêteur sont déductibles du bénéfice imposable (à la différence des dividendes) à certaines conditions et sous certaines limites :
Observation : Pour permettre une déduction fiscale des intérêts du bénéfice imposable, le taux d’intérêt est très rarement usuraire.
La convention de compte courant est de nature à exerce une influence sur la vie sociale : le titulaire d’un compte créditeur peut tirer avantage de son droit de demander le remboursement à tout moment pour exercer une pression sur la société, et le titulaire d’un compte débiteur sera tenté d’abuser du crédit que la société lui accorde.
Ainsi, l’ouverture d’une convention de compte courant est susceptible de relever du régime protecteur des conventions réglementées, libres ou interdites.
S’il s’agit d’un compte courant d’associé créditeur, le régime applicable aux conventions réglementées s’applique, sauf s’il s’agit d’une opération courante conclu à des conditions normales.
En revanche, les comptes courants débiteurs sont interdits, et l’associé qui se ferait prêter de l’argent par la société via son compte courant s’exposerait à diverses sanctions telles que la nullité, la responsabilité civile, un abus de biens sociaux, une action en responsabilité pour insuffisance d’actifs, etc.
Une fois l’avance en compte courant réalisée, le souscripteur peut demander le remboursement à tout moment, sauf stipulations contraires (dans les statuts ou la convention de compte courant) ou si la société a obtenu du juge des délais de paiement.
Réciproquement, le mécanisme légal de la compensation est susceptible de permettre à la société de diminuer le solde du compte courant d’un associé, notamment à l’occasion d’une augmentation de capital ou lorsque l’associé n’a pas intégralement libéré son apport.
Rappel : La compensation légale permet d’éteindre simultanément deux créances de même nature existant entre deux personnes réciproquement créancières et débitrices l’une de l’autre. La compensation légale n’est pas d’ordre public et les parties peuvent y renoncer d’un commun accord.
Lorsque la société est en procédure collective, l’associé souscripteur ne peut toutefois plus obtenir le remboursement immédiat de sa créance, il doit déclarer sa créance à la procédure collective.
Enfin, lorsqu’un associé titulaire d’un compte courant cède ses titres, la cession n’emporte pas transfert automatique du solde du compte courant. Il est donc impératif de prévoir le sort des comptes courants en cas de cessions de parts ou actions. Le cessionnaire peut le racheter, voire encore s’engager à mettre à disposition de la société les fonds suffisants pour permettre à cette dernière de lui racheter, etc.
Conclusion
Pour autant que l’on sache l’utiliser, le compte courant d’associé est un excellent outil de financement de la société. Il suppose de connaître parfaitement les procédures de contrôle et implique d’anticiper dans les statuts ou la convention de compte courant les modalités de son remboursement.
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