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La prise en compte des garanties du créancier dans l’appréciation de la disproportion manifeste du cautionnement

ParEtienne CHEVALIER - Avocat en droit immobilier

La prise en compte des garanties du créancier dans l’appréciation de la disproportion manifeste du cautionnement

Comment la caution peut-elle échapper au paiement de la dette garantie ? Comment s’apprécie la disproportion manifeste du cautionnement ? Faut-il tenir compte des garanties du créancier dont la caution pourrait bénéficier par voie subrogatoire pour apprécier la disproportion manifeste ? La caution peut-elle toujours bénéficier des garanties dont bénéficie le créancier contre le débiteur principal ?

L’article L332-1 du Code de la consommation (anciennement l341-4 du même code) permet au dirigeant-caution de faire tomber son engagement de caution lorsqu’au moment où il s’est engagé, son engagement était manifestement disproportionné, sous réserve qu’au moment où il est appelé en garantie, ses biens et revenus lui permettent de faire à son engagement.

L’appréciation de la disproportion manifeste suppose de s’attarder sur la situation du dirigeant de société :

  • l’actif du dirigeant de société : ses revenus, son patrimoine
  • le passif du dirigeant de société : les crédits qu’il a contracté, ses autres engagements de caution,

Mais il faut également tenir compte des garanties dont jouit le créancier.

La caution, une fois son engagement exécuté, dispose d’un recours contre le débiteur principal (article 2305 du Code civil). A l’occasion de ce recours, la caution bénéfice, par subrogation, de tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur (article 2306 du Code civil).

Pour apprécier la disproportion manifeste de l’engagement de caution, il faut donc nécessairement prendre en compte les sûretés dont dispose le créancier contre le débiteur principal.

Ce mécanisme, souvent nommé exception de subrogation, est systématiquement utilisé par les établissements de crédit pour contrer l’argument de la disproportion manifeste.

Les choses ne sont heureusement pas aussi simples.

Il faut logiquement tenir compte de la nature de la sûreté dont bénéficie le créancier, et par voie subrogatoire le dirigeant-caution.

Très souvent, le cautionnement du dirigeant de société s’accompagne d’un nantissement du fonds de commerce. Il faut donc tenir compte de la valeur du fonds de commerce pour déterminer si l’engagement de caution du dirigeant de société est manifestement disproportionné.

C’est d’ailleurs ce qui a été décidé par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 21 juin 2005 (n° de pourvoi 03-16.254). En l’occurrence, il a été tenu compte dans cette affaire d’un nantissement sur le fonds de commerce dont la valeur dépassait le montant du prêt.

En d’autres termes, puisque la caution aurait pu bénéficier du nantissement sur le fonds de commerce, il n’y avait pas de disproportion manifeste.

Cette décision témoigne d’un manque de pragmatisme évident.

Lorsque la société, débitrice principale, ne parvient plus à rembourser les échéances de son prêt, c’est qu’elle se trouve dans une situation financière indélicate (souvent en redressement ou en liquidation judiciaire). Cette situation financière indélicate implique nécessairement que le fonds de commerce a perdu de sa valeur (s’il reste le matériel et les éventuelles immobilisations, la clientèle, composante principale du fonds de commerce, a disparu).

En conséquence, le recours subrogatoire du dirigeant-caution contre le débiteur (sa société) est parfaitement illusoire, et ce dès la souscription du contrat de cautionnement.

En dépit de la faiblesse évidente de la sûreté, il aura fallu attendre un arrêt du 5 avril 2011 (n° de pourvoi 10-18.106) pour que la Cour de cassation prenne conscience de ce paradoxe et refuse de prendre en compte le nantissement d’un fonds de commerce pour apprécier de la disproportion manifeste de l’engagement de caution du dirigeant de société.

A l’aune de cet arrêt, il est permis de penser qu’à partir du moment où la garantie est, dès l’origine, d’une efficacité uniquement théorique, celle-ci ne saurait faire obstacle à l’inefficacité du cautionnement par la démonstration de sa disproportion manifeste.

À propos de l’auteur

Etienne CHEVALIER - Avocat en droit immobilier

Je conseille des professionnels de l'immobilier dans le cadre d'acquisition et de cession d'immeubles. J'accompagne également des clients particuliers désireux de se constituer un patrimoine solide, générateur de revenus réguliers grâce à des investissements ciblant des immeubles de rapport ou des supports destinés à être mis en valeur et exploités. Mon goût personnel et ma formation professionnelle m'ont conduit à développer une compétence particulière en matière de résolution amiable de situations litigieuses ou conflictuelles. J'interviens régulièrement à l'occasion de conflits entre associés ou entre indivisaires. Mes clients apprécient mon sens de l'organisation, mon implication dans les dossiers et la création d'une relation construite sur la confiance.