Question : Comment se déroule un procès en droit de la construction ?
Comment réagir face à une entreprise incapable de réaliser les travaux convenus et comment réagir face à des malfaçons ?
Un maître d’ouvrage (en général un propriétaire immobilier) a confié à une entreprise le soin de procéder à des travaux dans son immeuble.
Le maître d’ouvrage a identifié des désordres ou des défauts d’exécution voire des malfaçons ou encore des travaux non exécutés.
Les Tribunaux sont particulièrement indulgents avec le maître d’ouvrage et acceptent que ce dernier conserve en sa possession des sommes d’argent qu’il pourrait rester devoir à l’entreprise, si les désordres qu’il invoque sont prouvés.
Cette preuve se fait par tout moyen, mais le constat d’huissier est un plus (le coût d’un constat n’est pas tarifé, il coûte entre 150 et 400 euros (voir notre article sur la tarification des huissiers).
Il faut garder à l’esprit que l’entreprise est tenue à l’égard de son client d’une obligation de résultat qui se traduit par l’obligation pour l’entreprise de livrer les travaux convenus sans aucun défaut, ni malfaçon.
L’hypothèse de travail de cette note est donc celle d’un maître d’ouvrage qui refuse de réceptionner les travaux réalisés et de solder le marché.
Dans cette hypothèse, l’initiative du procès appartient soit à l’entreprise, soit au maître d’ouvrage.
Les règles de preuve dans le procès civil impliquent que celui qui allègue un fait doit l’établir (article 1315 du Code Civil).
Le maître d’ouvrage a donc tout intérêt à prendre l’initiative du procès en construction, mais il peut attendre d’être assigné par l’entreprise pour réagir.
Le risque de la deuxième stratégie à savoir celle d’attendre la réaction de l’entreprise, est que le travail réalisé par cette dernière ne fera jamais l’objet d’une réception.
À défaut de réception, les ouvrages qui auraient pu rentrer dans le champ d’application de la garantie décennale et qui ne sont soumis au moment où le maître d’ouvrage émet ses contestations à aucun désordre apparent (aucun désordre visible, aucune malfaçon soupçonnée) pourraient, si les choses en restaient là, se retrouver privés de toute couverture au titre de la garantie décennale de l’entreprise (garantie par assurance obligatoire).
Il faut rappeler que l’entreprise, pour intervenir, est dans l’obligation de justifier de la couverture du risque par un assureur des malfaçons graves affectant les ouvrages qu’elle a réalisés.
L’absence de réception peut donc priver le maître d’ouvrage de la possibilité future d’être couvert pour des malfaçons graves survenant postérieurement au départ de l’entreprise.
Cela étant, l’autre stratégie qui consiste à prendre l’initiative du procès implique des avances de fonds notamment pour couvrir les frais de l’expertise judiciaire.
L’expertise judiciaire est sollicitée dans le cadre de la procédure de référé, le Juge des référés disposant du pouvoir d’ordonner toute mesure d’instruction utile avant l’introduction du procès en responsabilité.
La désignation d’un expert est ordonnée au visa de l’article 145 du Code de la Procédure Civile.
Un expert notoirement compétent pour la matière considérée est alors désigné avec pour mission d’examiner les désordres et donner son avis sur les responsabilités et les préjudices indemnisables.
Le délai moyen d’une expertise est d’environ 6 mois, ce délai étant impacté par la complexité des opérations, le nombre de participants et la bonne ou mauvaise volonté de l’ensemble des parties.
Des expertises de plusieurs années sont très courantes.
Le coût moyen d’un rapport d’expertise est compris entre 1 500 et 4 500 €.
Le coût des opérations d’expertise est supporté par la partie qui perdra le procès, étant observé qu’en cas de dépôt de bilan, l’entreprise n’a plus aucune solvabilité et le maître d’ouvrage n’a plus la possibilité d’être remboursé de ces frais même si l’expert et la juridiction lui donnent raison sur la responsabilité et le montant des dommages et intérêts à servir au maître d’ouvrage victime des travaux mal réalisés.
Seuls les ouvrages couverts par la garantie décennale sont protégés du dépôt de bilan.
Chaque dossier de construction a ses particularités.
La stratégie tenant compte des différents paramètres et des risques pour le maître de l’ouvrage notamment celui de l’insolvabilité de l’entreprise doit être mûrement réfléchie.
Le recours à un stratège est indispensable, dès les premières difficultés.
Le droit de la construction connaît des règles dont la rigueur est redoutable.
Comme toujours, l’inertie est très dangereuse.
Il est préférable de prendre conseil dès les premiers constats de malfaçons que d’avoir à gérer un procès en droit de la construction.
Ce procès se prépare et doit se piloter avec fermeté.
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