Vous avez une créance et la société débitrice a disparu dans le cadre d’une liquidation amiable ?
Dans cette hypothèse, il est possible de se faire payer la créance, non pas par la société mais par le liquidateur amiable à qui l’on reprochera d’avoir clôturé les opérations de liquidateur sans avoir apuré le passif.
La dissolution amiable d’une société entraîne ouverture d’une phase dite de liquidation.
Les opérations de liquidation amiable ont pour objectif de transformer en numéraire les actifs de la société pour permettre d’apurer le passif de celle-ci et de répartir in fine le boni de liquidation entre les associés.
Au cours des opérations de liquidation, la personnalité morale de la société subsiste et ce jusqu’à la clôture des opérations (article L237-2 du Code de Commerce).
Durant la phase de liquidation, la société sera représentée par un liquidateur amiable. La mention « société en cours de liquidation » devra impérativement figurer sur l’ensemble des documents contractuels émis par la société ainsi que sur l’extrait Kbis de la société (article L237-3 du Code de Commerce).
Dans le cadre des opérations de liquidation, le liquidateur devra impérativement réaliser les opérations suivantes :
La clôture des opérations de liquidation d’une société pourra intervenir uniquement si le passif de la société a été entièrement apuré.
A défaut, la liquidation amiable sera suspendue le temps de réaliser des actifs.
Si la vente de l’intégralité des actifs de la société ne suffit pas pour couvrir les dettes de celle-ci alors une procédure collective devra être engagée.
L’article L237-12 du Code de Commerce dispose que :
« Le liquidateur est responsable, à l’égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l’exercice de ses fonctions. L’action en responsabilité contre les liquidateurs se prescrit dans les conditions prévues à l’article L. 225-254. »
Le liquidateur amiable pourra voir sa responsabilité engagée en cas de faute commise dans le cadre des opérations de liquidation.
Les fautes commises par le liquidateur peuvent être par exemple :
La responsabilité du liquidateur amiable est donc engagée dans l’hypothèse où il clôturerait les opérations de liquidation sans avoir payé l’ensemble des créanciers.
Pour engager valablement la responsabilité du liquidateur amiable, le créancier lésé devra rapporter la preuve que la faute a été intentionnelle autrement dit que le liquidateur a valablement eu connaissance de la créance et qu’il a délibérément refusé de la considérer (Cass. Com. 7.12.93 n°91-18-145).
Le créancier impayé devra démontrer que le liquidateur a commis une faute à son détriment, que cette faute a engendré un préjudice pour lui (montant créance impayée) ainsi que le lien de causalité entre la faute et le préjudice (Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 6 décembre 2011 (n°10-25-720)).
En effet, la Cour de cassation n’autorise la condamnation d’un liquidateur amiable, en raison d’une clôture anticipée des opérations de liquidation, que lorsqu’il est établi que celui-ci « ne pouvait ignorer l’existence » de la dette sociale non prise en compte.
Enfin, la jurisprudence considère que la responsabilité personnelle d’un liquidateur amiable pour avoir procédé à la clôture des opérations de liquidation sans avoir pris en compte une créance ne peut être recherchée que sur la base d’une perte de chance d’obtenir le paiement de la créance par la société.
La Cour de cassation précise à ce titre qu’en l’absence d’ « actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l’encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter le cas échéant, l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de la société ».
En cas d’actif social insuffisant, le préjudice indemnisable sera alors proportionnel aux chances qu’auraient eu le créancier d’obtenir le paiement de sa créance dans le cadre de la liquidation judiciaire qui aurait été ouverte si le dirigeant avait fait preuve de diligence.
Le tiers créancier qui souhaite mettre en oeuvre la responsabilité personnelle du liquidateur amiable de la société débitrice, invoquera les dispositions régissant la responsabilité civile délictuelle tirée de l’article 1240 du Code Civil selon lequel :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le reparer. »
Seul le Tribunal de Commerce est compétent pour connaître d’une action en responsabilité à l’encontre d’un liquidateur amiable d’une société commerciale (Cour d’Appel de Bordeaux 1ère Chambre Civile B par arrêt du 12 octobre 2010 (n°09/04159)).
En ce qui concerne la compétence territoriale, quand il s’agit d’une créance impayée, le créancier lésé pour saisir :
L’article L.225-254 du Code de commerce dispose que :
« L’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans. »
L’action en responsabilité à l’encontre du liquidateur amiable est donc de trois ans à compter de la date à laquelle le fait dommageable a été commis ou de sa découverte.
Etienne CHEVALIER
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