Quelle est la sanction d’un empiétement ? La sanction d’un empiétement est-elle toujours la destruction du bien ? Un empiétement négligeable est-il toujours sanctionné par la destruction ?
L’empiétement est le fait par une personne d’exercer un pouvoir ou une compétence qui appartient légalement à une autre personne.
Un propriétaire, un possesseur ou un détenteur empiète sur les droits immobiliers de son voisin lorsqu’il utilise sans droit le fonds appartenant à ce dernier (exemple : déplacement de la clôture qui marque la ligne séparative des propriétés contiguës).
Le caractère exclusif du droit de propriété est affirmé par l’article 544 du Code civil, et permet au propriétaire de s’opposer à toute immixtion d’un tiers sur sa propriété. Le propriétaire d’un bien dispose donc du droit d’exclure autrui, au besoin – parfois – de procédures particulières.
Ce droit d’exclure autrui se matérialise par la sanction de l’empiétement, qui est le fait d’occuper « sans droit » une partie d’un immeuble contigu (et non pas le fait d’occuper exclusivement l’immeuble contigu puisqu’il s’agirait alors d’accession immobilière).
Cela signifie que le simple fait pour un voisin de construire un ouvrage débordant de quelques centimètres sur le fonds voisin implique de le détruire.
Pendant longtemps la sanction était sans équivoque, péremptoire, automatique. Comme toute règle absolue, cette solution avait le défaut d’être hostile au principe pourtant aujourd’hui bien présent de la proportionnalité.
Cela veut même dire qu’un voisin peut assister à la construction d’un ouvrage, se rendre compte qu’il risque d’empiéter sur son fonds, et attendre la fin de la réalisation pour – in fine – en demander la destruction.
La Cour de cassation a clairement affirmé depuis 1990 que la défense du droit de propriété contre un empiétement ne saurait dégénérer en abus (Cass. Civ. 3, 7 juin 1990, n°88-16.277).
Cette situation n’est bien évidemment pas en adéquation avec la volonté législative d’insérer dans le droit français une bonne dose de proportionnalité, et fait peser sur le voisin ayant fait construire un ouvrage empiétant sur le fonds voisin et contigu une grande insécurité.
Jusqu’à une époque récente, le constructeur pouvait simplement espérer soulever une fin de non recevoir tirée de la prescription acquisitive du bien à l’issue d’un délai de 30 ans. Cet automatisme de la sanction – sauf prescription acquisitive – était extrêmement décrié par les professionnels.
Par un revirement de jurisprudence notable en date du 10 novembre 2016 (n°15-25.113), la Cour de cassation a introduit dans la sphère de l’empiétement la notion de proportionnalité. Elle vient mettre fin à l’automatisme aveugle de la destruction, sans pour autant supprimer le principe de la destruction en cas d’empiétement.
En d’autres termes, elle permet aux juges du fond d’opérer un contrôle de proportionnalité entre l’empiétement et la destruction. En outre, l’empiétement négligeable et involontaire ne donnera plus nécessairement lieu à la destruction du bien.
Dans l’affaire susmentionnée, l’empiétement était extrêmement minime puisqu’il était de seulement 2 centimètres. La Cour de cassation a donc décidé de trouver une alternative à la destruction, en ce qu’elle considère que les juges du fond auraient du rechercher si un rabotage du mur n’était pas de mettre fin à l’empiétement.
Il faut retenir de cette décision que seul l’empiétement léger et involontaire est visé par cet assouplissement, et qu’une alternative doit être trouvée (à défaut d’une telle alternative, le versement d’une indemnité devrait alors suffire).
En revanche, dès lors que l’empiétement est grossier, le principe demeure celui de la destruction de l’ouvrage. En effet, il ne s’agit pas de permettre ou de favoriser l’empiétement sur le fonds voisin, mais simplement d’éviter une destruction « excessive ».
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