Le présent article a pour objectif de suggérer la conduite à tenir en présence d’un locataire qui ne paie pas son loyer.
Les stratégies ne sont pas les mêmes suivant que le bail est un bail à usage d’habitation ou un bail à usage professionnel ou commercial.
L’analyse qui va suivre correspond à la situation d’un bailleur ayant conclu un bail de location nu.
Des précisions seront apportées concernant la situation dans le cadre d’un bail meublé.
La première recommandation porte sur la nécessité d’agir vite et fermement dès le premier impayé.
En effet, la situation du locataire ne peut que s’aggraver avec le temps et s’il est défaillant pour un mois, l’apurement de cette dette se révèlera très vite impossible puisqu’il s’agira pour le locataire de payer le mois suivant le loyer courant + l’arriéré, soit le double de ce qu’il payait jusqu’alors.
Il est donc impératif de réagir sans délai dès la découverte d’un impayé.
La Loi impose que deux termes de loyers soient impayés avant de pouvoir engager des procédures contentieuses.
Bien évidemment, dès la survenance du premier impayé, le bailleur devra adresser une mise en demeure à son locataire idéalement sous forme de lettre recommandée avec demande d’AR et courrier simple.
Lorsqu’un deuxième terme de loyer est impayé, le bailleur est autorisé à délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Cet acte est remis par huissier au locataire et ouvre à ce dernier un délai de deux mois pour régulariser sa situation.
A défaut d’avoir payé les causes du commandement dans ce délai, le locataire peut être poursuivi devant le Tribunal dans le cadre d’une action visant à la résiliation du bail et à la condamnation au paiement des loyers impayés.
Cette assignation doit respecter un délai minimum de deux mois entre sa délivrance et l’audience pour laquelle le débiteur est convoqué.
Si le bailleur bénéficie de cautions, il doit les poursuivre pour obtenir leur condamnation.
Il peut être pertinent de tenter une négociation avec le locataire en lui offrant la possibilité de quitter les lieux sans délai moyennant une concession sur le montant de sa dette, voire son annulation pure et simple.
Le délai moyen pour parvenir à une expulsion est de l’ordre d’une année puisqu’en règle générale, le locataire poursuivi va bénéficier de la trêve hivernale.
En matière de location meublée, la procédure est la même et compte tenu de la durée moyenne des baux meublés (un an), il est possible pour le bailleur de refuser le renouvellement du bail au terme d’un délai d’un an de sorte que le locataire se trouvera en situation irrégulière et sans droit, ni titre à se maintenir dans les lieux.
Son expulsion devient alors plus facile.
Une fois la décision du Tribunal rendue, le locataire est expulsable.
Si le juge a assorti sa décision de l’exécution provisoire, un appel du locataire peut toutefois neutraliser la décision et exposer le bailleur à subir un impayé supplémentaire au cours de la procédure devant la Cour d’Appel.
Le recouvrement de la créance et l’expulsion du locataire sont confiés à un Huissier de Justice.
Une expulsion peut coûter entre 1.500€ et 3.000€.
Le recouvrement de ces frais et de la dette de loyer se révèle en règle générale particulièrement délicat puisque la situation financière du locataire est, par définition, sérieusement obérée.
Dans certains cas, il peut être préférable d’agir uniquement en recouvrement des loyers pour éviter d’avoir à respecter les délais de procédure imposés dans le cadre de la demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers.
Dans l’hypothèse où seul le recouvrement des loyers est poursuivi, il est possible de saisir le juge des référés et obtenir à bref délai une décision de condamnation portant sur les loyers impayés au jour où le juge statue.
Le fait de mettre cette décision à exécution peut permettre d’exercer une pression suffisante sur le locataire et l’inciter à quitter les lieux ou à trouver un accord en vue de son départ.
Muni de la décision du juge, le bailleur peut saisir les comptes bancaires, ou saisir le mobilier garnissant le bien loué.
En ce qui concerne la saisie des meubles, la Loi interdit la saisie de certains d’entre eux et en règle générales les procédures de saisie de meubles ne sont pas menées jusqu’à leur terme car elles occasionnent en général plus de frais qu’elles ne rapportent d’argent.
Dans le cadre d’une saisie du mobilier, celui-ci est enlevé aux frais du saisissant et vendu en salle des ventes au plus offrant.
Si le locataire est salarié, il sera possible avec la décision du Tribunal saisi de la demande de résiliation du bail et de la condamnation au paiement des loyers arriérés, de mettre en place une saisie de rémunération.
La défaillance du locataire coûte très cher au bailleur (loyers impayés + frais nécessaires pour parvenir à l’expulsion).
Si les perspectives de recouvrement sont limitées, le bailleur a souvent intérêt à négocier le départ amiable du locataire moyennant la réduction ou l’abandon de la dette (total ou partiel).
2. Baux professionnels ou commerciaux
Le défaut de paiement du loyer autorise le bailleur à délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Le délai du commandement est d’un mois pour régulariser la situation.
Passé ce délai, le bailleur peut saisir le juge des référés et solliciter le constat de l’acquisition de la clause résolutoire et OBTENIR la résiliation du bail et l’expulsion du locataire.
Comparativement à la situation du bailleur dans le cadre des baux d’habitation, la situation du bailleur dans un bail professionnel ou commercial est plus favorable.
Si devant le juge, le locataire sollicite des délais de paiement, ceux-ci lui sont en général accordés sous la réserve qu’il devra payer dans le futur le loyer courant + une quote-part de son arriéré locatif.
A défaut de paiement d’une seule échéance, le bail se trouve automatiquement résilié et l’expulsion peut être poursuivie.
Il faut noter que dans certaines situations le défaut de paiement des loyers est un acte délibéré du locataire même s’il n’éprouve pas de difficultés financières.
Le défaut de paiement peut cacher l’intention de quitter les lieux par anticipation sans respecter le délai prévu par le bail (échéance triennale du bail commercial).
Si le bailleur sollicite la résiliation du bail, le locataire se trouve tenu au paiement de sa dette mais se trouve libéré du contrat de bail.
Dans certaines hypothèses, le bailleur aura donc intérêt à poursuivre uniquement le recouvrement des loyers sans solliciter la résiliation du bail.
La situation du bailleur est en revanche nettement plus délicate si le preneur à bail fait l’objet d’une procédure collective.
Si le locataire procède à une déclaration de cessation des paiements, le bailleur perd le droit de solliciter la résiliation du bail du fait des loyers impayés échus avant l’ouverture de la procédure collective.
En matière de baux commerciaux, le bailleur ne retrouve le droit d’agir en résiliation du bail qu’après trois mois, et si de nouveaux impayés sont constatés.
La même procédure est à respecter (commandement puis assignation en résiliation).
Le risque d’impayé en cas de procédure collective peut atteindre 6 à 8 mois de loyer.
Dans le cadre de la procédure de liquidation, le bailleur a un rang prioritaire mais lorsque la procédure de liquidation est impécunieuse, les créances de loyers ne sont pas recouvrées.
C’est au regard de ce risque qu’il faut conseiller au bailleur de prendre des garanties lors de la conclusion du bail.
Ces garanties sont multiples :
Dans le cadre de l’ouverture d’une procédure collective frappant le preneur à bail professionnel ou commercial, le bailleur aura intérêt à se faire assister d’un conseil.
La reprise des lieux peut être négociée avec les organes de la procédure sachant que leur responsabilité est susceptible d’être engagée en cas de maintien abusif dans les lieux sans paiement de loyer.
Etienne CHEVALIER
Avocat en Droit Immobilier
À propos de l’auteur