Le propriétaire d’un bâtiment a de multiples raisons de faire appel à une entreprise de bâtiment.
Que ce soit pour construire, rénover ou réparer, le recours à une entreprise de bâtiment est souvent nécessaire.
Le présent article a pour objectif de suggérer la conduite à tenir en cas de litige avec une entreprise de bâtiment.
Fondamentalement, il faut distinguer les cas dans lesquels le litige survient avant réception et le cas dans lesquels le litige apparaît postérieurement à la réception.
La notion de réception est fondamentale en droit de la construction.
La réception correspond à la décision du propriétaire d’accepter le travail réalisé.
La réception peut être accompagnée de réserves.
La réception emporte acceptation des ouvrages réalisés et les réserves apparentes non signalées se trouvent couvertes par la réception.
La réception peut être exprès (signature d’un procès-verbal) ou tacite (la réception tacite se déduit de l’absence de réserves, de la prise de possession et enfin du paiement intégral du marché).
La réception est un acte unilatéral du propriétaire de sorte qu’il est tout à fait possible de réceptionner même en l’absence de l’entreprise.
Le litige auquel le propriétaire peut être exposé peut revêtir plusieurs formes.
Soit l’entreprise a réalisé un travail de mauvaise qualité, soit l’entreprise a abandonné le chantier.
Face à un abandon de chantier, il y a deux attitudes possibles.
Soit résilier le marché et conserver toutes les sommes restant éventuellement dues à l’entreprise.
Si au contraire, l’entreprise a perçu plus que la contrevaleur du travail réalisé, il est possible de la contraindre à intervenir.
Le juge peut délivrer une injonction de faire à l’entreprise et assortir sa décision d’une astreinte.
Suivant les cas, il est possible également de solliciter le versement d’indemnités complémentaires destinées à réparer les préjudices subis du fait de l’abandon de chantier.
A ce titre, peuvent être indemnisés tous les dommages reliés à l’abandon de chantier (garde meuble, location, privation de jouissance, surconsommation d’électricité, etc…).
En présence de malfaçons, le propriétaire a le choix entre plusieurs attitudes.
Il peut décider de résilier le marché de l’entreprise et poursuivre cette dernière pour obtenir des indemnités destinées à permettre de réparer les malfaçons.
En présence de malfaçons, il est très fréquent de devoir recourir au service d’un expert dont la désignation aura été demandée au Tribunal.
L’expert mandaté par le Tribunal examinera les travaux réalisés et donnera son avis sur les désordres et les moyens d’y remédier.
Il donnera son avis sur les coûts prévisibles.
Une fois le rapport déposé, le propriétaire doit agir pour faire condamner l’entreprise responsable des malfaçons.
Il est essentiel de garder à l’esprit que la responsabilité civile de l’entreprise au titre de malfaçons visibles ou apparues avant la réception n’est pas couverte par une compagnie d’assurances.
En d’autres termes, le propriétaire de l’immeuble ne dispose d’aucune garantie qu’en cas de condamnation, l’entreprise pourra payer les indemnisations mises à sa charge.
Dans la mesure où un doute sérieux existerait sur la solvabilité de l’entreprise, il peut être plus judicieux de tenter de la contraindre à réparer ou à reprendre ses ouvrages.
Si la décision de poursuivre l’entreprise est prise, il est nécessaire de présenter au juge un dossier documenté et contenant la preuve des malfaçons alléguées.
Un constat d’huissier n’est pas indispensable mais peut se révéler très utile.
En synthèse, pour les désordres apparus avant réception, le risque de défaillance de l’entreprise, responsable des malfaçons, doit conduire à privilégier des solutions de rupture du marché sans indemnités lorsque cela est possible ou d’exécution en nature. Il reste évidemment possible de solliciter des dommages et intérêts qui seront payés si l’entreprise est solvable.
Après réception, la situation du maître d’ouvrage est très différente.
Par l’effet de la réception, la garantie décennale de l’entreprise peut être mobilisée (si l’entreprise était effectivement titulaire d’une police couvrant sa responsabilité civile décennale).
Après la réception, l’entreprise doit différentes garanties :
Cette garantie couvre les levées de réserves et les désordres mineurs apparus après réception.
Cette garantie couvre les éléments d’équipements.
La garantie biennale est une garantie de bon fonctionnement des éléments d’équipements.
Les éléments d’équipements doivent être dissociables.
Les dommages doivent affecter le bon fonctionnement de l’élément d’équipement.
Relèvent de la garantie biennale :un interphone, une chaudière dissociable, un système de sonorisation, un ballon d’eau chaude, etc…
C’est la garantie la plus connue qui couvre la responsabilité de l’entreprise en présence de désordres graves affectant la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination.
C’est cette garantie qui est l’objet d’une police d’assurance d’une entreprise (obligatoire).
Si le désordre ne correspond pas à la définition d’un vice de nature décennal, il est toujours possible d’agir contre l’entreprise sur le terrain de sa responsabilité contractuelle de droit commun.
Dans cette hypothèse, la situation est identique à celle rencontrée avant réception (risque sur la solvabilité de l’entreprise).
L’entreprise peut ne pas être en mesure de faire face aux condamnations qui pourront être prononcées contre elle de sorte qu’aucune indemnité ne sera perçue.
Il est parfois préférable de rechercher un accord et d’obtenir des réparations en nature plutôt que bénéficier d’une condamnation que l’entreprise ne pourra pas exécuter si elle n’est pas assurée.
En général, un litige de construction débute par la constitution du dossier du plaignant.
Ce dossier doit contenir toutes les pièces contractuelles et la preuve des désordres allégués.
Cette preuve peut être apportée soit au moyen d’un constat d’huissier, soit par la production de photographies.
En la matière, la preuve est libre.
La seconde étape consiste à saisir le juge des référés d’une demande de désignation d’expert.
L’expertise est une simple mesure d’instruction de sorte qu’il est rarissime que le juge refuse d’ordonner cette mesure.
Le coût de l’expertise est mis à la charge de celui qui a formulé la demande et, donc en règle générale, le demandeur lui-même.
Le coût d’une expertise oscille entre 3.000€ et 5.000€ sachant que certaines expertises complexes conduisent à des budgets significativement plus élevés.
Les frais d’expertise sont mis à la charge de la partie qui succombera au final dans le procès.
Une fois le rapport de l’expert déposé, le plaignant peut saisir le Tribunal (en général de Grande Instance et plus rarement le Tribunal de Commerce) d’une demande de condamnation de l’entreprise responsable des désordres.
En règle générale, les Tribunaux suivent l’avis de l’expert aussi bien sur les éléments de responsabilité que sur les chiffrages.
La décision du Tribunal peut faire l’objet d’un recours devant la Cour d’Appel.
Il est fréquent que le juge de première instance ordonne l’exécution provisoire de sa décision de sorte que celle-ci doit être exécutée immédiatement.
Le défaut d’exécution de la condamnation assortie de l’exécution provisoire peut constituer un motif de refus d’examen de l’appel du jugement.
En règle générale, les demandes visent à l’obtention de condamnations à payer des sommes d’argent mais des condamnations à assurer des réparations en nature sont possibles (si elles sont demandées).
Une condamnation ne vaut pas paiement.
Si l’entreprise ne paie pas spontanément, il faut diligenter des mesures d’exécution.
En cas d’impossibilité pour l’entreprise de payer des condamnations, celle-ci peut être amenée à procéder à une déclaration de cessation des paiements et faire l’objet d’une procédure collective.
En règle générale, ces procédures aboutissent à une liquidation judiciaire de sorte que les condamnations prononcées contre l’entreprise ne sont pas payées.
Seuls les désordres ressortissant de la garantie décennale sont assurés.
Dans l’hypothèse d’une condamnation au titre de la responsabilité décennale, c’est l’assureur qui prend en charge celle-ci.
Etienne CHEVALIER
Avocat en Droit Immobilier
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