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Comment ne pas payer une caution solidaire ? Comment éviter de payer un prêt avec caution personnelle sur société ?

ParEtienne CHEVALIER - Avocat en droit immobilier

Comment ne pas payer une caution solidaire ? Comment éviter de payer un prêt avec caution personnelle sur société ?

L’article L332-1 du Code de la consommation (anciennement L341-4 du même code) est ainsi rédigé :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

Il se dégage de cet article, dont l’applicabilité au chef d’entreprise, averti ou non, ne fait d’ailleurs plus l’objet d’aucun débat (Cass. Com., 10 janv. 2012, n° 10-26.630), que le créancier professionnel ne peut se prévaloir de l’engagement de caution qui, lors de sa conclusion, était manifestement disproportionné.

Cette protection s’applique donc à tout cautionnement consenti par une personne physique au bénéfice d’un créancier professionnel sans qu’il soit nécessaire de distinguer selon que la caution est ou non avertie et sans distinction selon que la caution est ou non dirigeante (Cassation Chambre commerciale, 13 avril 2010).

Il se dégage de la jurisprudence que la sanction du caractère manifestement disproportionné de l’engagement de la caution est l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir de cet engagement.

Par ailleurs, c’est au moment de la souscription du cautionnement que doit s’apprécier la proportion ou la disproportion.

Si la lettre de l’article L332-1 du Code de la consommation(anciennement L341-4)   ne donne aucune indication permettant d’apprécier le caractère disproportionné ou non d’un engagement, la jurisprudence se réfère au montant des revenus (CA Paris, 25 janvier 2008), à la valeur du patrimoine, aux autres engagements de caution (Cassation Chambre commerciale 22 mai 2013, n°11-24812 publié au bulletin),  aux autres charges pesant sur la caution, aux sûretés du créancier dont la caution pourrait bénéficier du fait de son droit de subrogation.

La Cour de cassation a apporté un certain nombre de points de référence.

Ainsi, le dirigeant-caution pourra soulever la disproportion manifeste de son engagement en mettant en exergue :

– la précarité de ses revenus

– une épargne d’un faible montant voire inexistante

– ses charges et son passif : loyers, crédits à rembourser, sûretés grevant les biens

– ses autres engagements de caution : engagements antérieurs, autres engagements de caution dont l’exécution n’est qu’une éventualité

– l’absence ou la faiblesse des garanties du créancier, dont la caution pourrait bénéficier à l’occasion de son recours subrogatoire

Par ailleurs, il faut également noter que la Cour de cassation (première chambre civile et chambre commerciale) ne prend plus en compte les perspectives de rentabilité de l’affaire financée (Cass. Com., 4 juin 2013, n°12-15.518 ; Cass. 1er civ., 3 juin 2015, n° 14-13.126, n° 14-17.203).

Dès lors que l’engagement de caution est, au moment où il a été souscrit, manifestement disproportionné, le créancier professionnel ne peut plus s’en prévaloir, sauf si au moment où la caution est appelée en garantie – pour la première fois – ses biens et revenus lui permettent de faire face à son engagement.

En toutes hypothèses, il convient de porter la plus grande attention au devoir d’investigation du créancier professionnel.

Il a en effet été jugé que l’article L332-1 (anciennement L341-4) du Code de la consommation impose un devoir d’investigation à la charge du créancier (CA Douai, 13 nov. 2008, n°07-02411).

Ce devoir d’investigation oblige le créancier à interroger la caution sur ses biens personnels, ses revenus, ainsi que ses autres engagements pour les comparer au montant de la créance.

Il est fondamental puisqu’il va permettre de déterminer si tel ou tel élément du patrimoine du débiteur doit être pris en compte pour apprécier le caractère manifestement disproportionné de l’engagement.

Il est désormais de jurisprudence constante depuis les années 1990 que le prêteur professionnel a un devoir de mise en garde, et, a fortiori, une obligation de renseignement et de conseil tant à l’égard du débiteur que de la caution.

Il se dégage de la jurisprudence que ce devoir de mise en garde s’impose en présence d’un risque certain ou simplement probable de non remboursement par le débiteur principal, ce qui se caractérise par une disproportion entre les charges de l’emprunt et les revenus prévisibles de la société débitrice (Cass. com., 30 sept. 2008, n°07-16649).

Il faut en retenir que l’exclusion du devoir de mise en garde s’impose uniquement lorsque le risque de non remboursement est toujours possible (risque de retournement d’un marché, perte d’emploi, maladie, etc.), soit au aléa « prévisible ».

Mais il faut encore que la caution ne soit pas considérée comme avertie. Il s’agit finalement de résorber un déséquilibre entre un banquier qui dispose de toutes les compétences et des informations pour analyser le risque, et un dirigeant de société qui soit ne dispose pas de toutes les informations, ou ne dispose pas de l’expérience et des qualités pour les analyser.

En outre, ce devoir de renseignement et de conseil du prêteur professionnel ne tient pas compte de la qualité avertie ou non de la caution. Concernant l’obligation de renseignement, il s’agit pour l’établissement de crédit d’informer la caution sur les conséquences dudit engagement. L’obligation de conseil concerne en revanche l’opportunité de la décision.

Le devoir de mise en garde a quant à lui un champ d’application plus réduit puisqu’il ne s’applique qu’à la caution non avertie. Cette obligation implique un devoir de pédagogie, il faut alerter la caution et lui faire comprendre les dangers de son engagement.

C’est ainsi que la jurisprudence considère que le dirigeant-caution est averti dès lors que deux conditions cumulatives sont remplies :

  • Il doit être en mesure de comprendre les documents comptables relatifs à l’entreprise cautionnée (Cass. Com., 17 févr. 2009, n° 07-20.935)
  • Il doit disposer d’une expérience suffisante pour appréhender les risques liés à la spécificité de l’affaire (Cass. Civ 1ère. 12 juil. 2005, n° 03-10.921 et n° 03-10.115)

Si le banquier, obligé de mettre en garde le dirigeant-caution, a failli à son devoir, ce dernier peut obtenir l’annulation du contrat pour dol, et à tout le moins la réparation de la perte d’une chance de ne pas contracter (Cass. Com., 17 févr. 2009, n° 07-20.935).

Lorsque le banquier n’a pas respecté son devoir de mise en garde, ce dernier engage sa responsabilité contractuelle. La caution peut dès lors prétendre à la réparation de son préjudice, préjudice qui « s’analyse en la perte d’une chance de ne pas contracter » (Cass. Com., 20 octobre 2009, n°08-20.274).

COUR D’APPEL DE GRENOBLE – 24/11/2016 – RG N°14/05968 Exemple tiré de l’activité du Cabinet CHEVALIER AVOCATS

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À propos de l’auteur

Etienne CHEVALIER - Avocat en droit immobilier

Je conseille des professionnels de l'immobilier dans le cadre d'acquisition et de cession d'immeubles. J'accompagne également des clients particuliers désireux de se constituer un patrimoine solide, générateur de revenus réguliers grâce à des investissements ciblant des immeubles de rapport ou des supports destinés à être mis en valeur et exploités. Mon goût personnel et ma formation professionnelle m'ont conduit à développer une compétence particulière en matière de résolution amiable de situations litigieuses ou conflictuelles. J'interviens régulièrement à l'occasion de conflits entre associés ou entre indivisaires. Mes clients apprécient mon sens de l'organisation, mon implication dans les dossiers et la création d'une relation construite sur la confiance.