Depuis l’entrée en vigueur de la Loi Dutreil, le respect du formalisme prévu par le Code de la consommation s’impose aujourd’hui à peine de nullité, mais qu’en est-il lorsque le cautionnement a été souscrit avant cette date ? De même, la caution pouvait-elle soulever la disproportion manifeste de son engagement avant 2003 ? Quels sont les autres moyens de défense qu’elle pouvait invoquer pour se défaire de son engagement de payer ?
La loi Dutreil du 1er août 2003 a inséré les articles L341-1 et suivants du Code de la consommation, lesquels sont très protecteurs de la caution personne physique. Toutefois cette loi ne prévoit pas d’effet rétroactif, de sorte qu’il est nécessaire de s’en tenir à la législation en vigueur au moment des faits.
1) Sur le formalisme : nullité du cautionnement
Sur ce point la jurisprudence est fixée depuis plusieurs années : le formalisme ad validitatem de l’article L313-7 du Code de la consommation ne s’impose qu’en présence d’un prêt relevant du Code de la consommation, ce qui exclut les prêts professionnels.
Lorsque le prêt est professionnel, la caution ne peut bénéficier des dispositions plus favorables de l’article L313-7 du Code de la consommation, seul le droit commun étant applicable : l’article 1326 du Code civil.
Or, le formalisme imposé par l’article 1326 ne vaut qu’ad probationem (pour la preuve, et non pour la validité).
Il n’est donc pas possible d’obtenir la nullité du cautionnement, quand bien même la mention manuscrite ne serait pas exacte.
Un arrêt récent rappelle cette position jurisprudentielle (Cass. com. 11 juin 2014, n°13-14.848) :
« Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le prêt dont M. et Mme X… se sont rendus cautions, ayant été consenti pour acquérir un immeuble à usage professionnel, n’entre pas dans les prévisions de l’article L. 312-2, 1°, (a) du code de la consommation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
2) Sur la disproportion manifeste : impossibilité pour la banque de se prévaloir du cautionnement (sanction temporaire)
L’article L313-10 du Code de la consommation prévoit expressément que le créancier ne peut se prévaloir du cautionnement manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus de la caution.
Toutefois, l’article L313-10 se situe à la suite des articles L313-7 et 8 sur le formalisme, et donc dans le même chapitre.
La position géographique de cet article devrait donc conduire – par une analyse analogue à celle réalisée pour le formalisme – le juge à rejeter la thèse de la disproportion manifeste.
La jurisprudence a néanmoins eu l’occasion de juger que l’exclusion du bénéfice de l’article L. 313-10 devrait tenir au caractère professionnel, ou non, du cautionnement, et non de l’opération de crédit (TGI Saintes, 25 oct. 1996, Bull. inf. C. cass. 1997, n° 1475 ; Gaz. Pal. 1-2 sept. 1999, note crit. Vray ; soutenant la thèse de l’autonomie ; P. Simler, Cautionnement et garanties autonomes, Litec, 1991, n° 242 ; Douai, 21 nov. 2000: D. 2001. AJ 2127, obs. Rondey)
CA Douai, 21 nov. 2000 :
« Attendu qu’en l’espèce, la CRCAM n’est pas fondé à soutenir que l’art. L. 310-10 c. consom. n’est pas applicable en raison du caractère professionnel du prêt dès lors que les cautionnements souscrits par les Epx Gresta n’avaient en l’espèce aucune finalité commerciale et n’étaient destinés qu’à garantir le prêt consenti à leur fille et gendre pour l’achat d’un fonds de commerce ; que le caractère professionnel du cautionnement n’est pas établi »
Il faut bien comprendre que cet arrêt a été rendu contra legem, qu’il s’agit donc d’une interprétation du juge au service de l’éthique.
Il n’en demeure pas moins que cet arrêt prouve que le juge peut, au gré des circonstances, empêcher le créancier de se prévaloir du cautionnement.
Attention : La sanction est l’impossibilité de se prévaloir du cautionnement, au moment de l’appel en garantie (arrêt rendu le 22 octobre 1996 ; JCP 1996.éd.G.IV. n° 2444). En d’autres termes, rien n’empêcherait la banque de poursuivre à nouveau la caution lorsque la dette principale aura diminué.
3) Sur le devoir de conseil et de mise en garde
Un autre angle d’attaque plus traditionnel avant 2003 consisterait à miser sur l’existence d’un devoir de mise en garde à la charge du banquier.
Pour faire face à l’insuffisance de la protection par le formalisme qui s’est développée par les lois de 1978 (crédit à la consommation) et de 1979 (crédit immobilier), a été développé au début des années 1990 un devoir de mise en garde contre les risques de non remboursement par le débiteur et les cautions.
Ce devoir pèse sur les banquiers, mais uniquement à certaines conditions :
Lorsque le banquier obligé de mettre en garde la caution a failli à son devoir, cette dernière peut obtenir l’annulation de son engagement de caution pour dol, ou à tout le moins la réparation de la perte d’une chance de ne pas contracter.
4) Modification quelconque du prêt non acceptée par la caution
Le cautionnement est l’accessoire d’un contrat principal. Dès lors que ce dernier est modifié sans que la caution ait acceptée les modifications, cette dernière peut se défaire de son engagement (Cass. com. 24 juin 2014, n°13-21.074).
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