Quels sont les recours d’un propriétaire qui supporte depuis plusieurs années des désagréments ayant pour origine différentes plantations possédées par son voisin ?
Les dommages causés par des plantations amènent à distinguer les situations où les arbres ont été plantés en respectant les distances légales ou les usages locaux (ii) de celles où le respect des distances n’existe pas (i).
(i) Sur le non respect des distances minimales
Les plantations doivent respecter certaines distances par rapport aux propriétés voisines, afin d’éviter qu’elles les surplombent ou y causent des dommages par leur trop grande proximité.
Pour connaître les distances à respecter, il faut en priorité se référer aux règlements locaux puis aux usages constants et reconnus existant dans la commune (a). Ce n’est qu’en l’absence de règles locales qu’il convient de se référer aux dispositions prescrites par le code civil (b).
(a) Les usages locaux
Il est nécessaire de se renseigner auprès de la mairie sur l’existence de règlements et d’usage locaux.
Par ailleurs, les chambres d’agriculture sont chargées de grouper, coordonner et codifier les coutumes et usages à caractère agricole. Les distances de plantations entrent, le plus souvent, dans cette catégorie. Une fois codifiés, ces usages sont soumis à l’approbation du conseil général du département. Un exemplaire de cette codification doit être déposé et conservé à la mairie et peut être communiqué à ceux qui le demanderont.[1]
La première démarche à effectuer est de se renseigner auprès de la mairie de Seclin afin de savoir s’il existe des usages locaux concernant les distances de plantations à respecter.
(b) Les règles supplétives du code civil
A défaut de règles locales, le voisin doit respecter les distances imposées l’article 671 du code civil.
Aux termes de ce texte, le propriétaire a l’obligation d’observer un retrait d’au moins 2 mètres par rapport à la limite du fonds voisin pour les plantations destinées à dépasser 2 mètres de hauteur, et de 50 centimètres au moins pour celles destinées à ne pas dépasser 2 mètres.
En général le problème se pose quand il s’agit d’arbres dont la hauteur dépasse 2 mètres. La distance de 2 mètres imposée par le code civil représente l’espace qui doit exister entre le milieu du tronc des plantations et la limite séparative des propriétés. La mesure doit être faite au niveau du sol même si l’arbre n’est pas droit et penche vers la propriété voisine.
Du côté de la limite séparative, la distance doit être calculée jusqu’à la ligne divisant les deux propriétés.
S’agissant de la hauteur des plantations, elle se compte à partir du niveau du sol jusqu’au sommet de l’arbre. Si les terrains sont de niveaux différents, la hauteur se mesure par rapport au niveau du terrain sur lequel l’arbre est planté.
(c) Les sanctions
Qu’elles soient précisées par une réglementation locale ou bien imposées par l’article 671 du code civil, les distances de plantations doivent être scrupuleusement respectées.
Autrement dit si le voisin ne se conforme pas aux distances imposées en matière de plantations, il est possible d’engager une action en justice en se fondant sur le seul fait qu’il ne respecte pas les distances prescrites sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’un préjudice.[2]
Il est alors possible, sur le fondement de l’article 672 du code civil, de demander la condamnation du voisin à arracher ou à déplacer ses plantations :
« le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée à l’article précédent […] ».
Cependant, en cas d’application des distances du code civil, si les arbres incriminés sont à moins de 2 mètres mais à plus de 50 cm, le voisin peut opter entre leur arrachage, leur déplacement ou leur réduction à moins de 2 mètres de hauteur.
En revanche, le voisin peut échapper à toute condamnation s’il peut revendiquer l’existence :
« d’une servitude de plantation ».[3]
Une servitude de plantation peut exister à la suite de la division d’une propriété en plusieurs lots, en vue d’une vente. Les acquéreurs de ces lots doivent alors supporter la présence des arbres même si leur implantation ne respecte pas les distances prescrites. Cela quelle que soit la date à laquelle le propriétaire d’origine les avait plantés.
Une servitude de plantation peut, également, exister si les différents propriétaires successifs n’ont pas réagi pendant 30 ans face à une plantation illégale. Il n’est plus alors possible d’exiger l’arrachage de l’arbre.
S’agissant d’arbres de plus de 2 mètres de hauteur et plantés à moins de 2 mètres de fonds voisin, le point de départ du délai de prescription de 30 ans est, non pas la date de sa plantation, mais celle où l’arbre, en grandissant, a dépassé la hauteur légale ou d’usage.[4]
En revanche, malgré l’existence d’une servitude de plantation, il est toujours possible d’exiger l’élagage des branches surplombant la propriété du propriétaire car le droit d’obtenir l’élagage est imprescriptible.
(ii) Sur le respect des distances minimales
Le fait de respecter les distances règlementaires ou légales ne met pas définitivement le voisin à l’abri d’une action en responsabilité de la part du propriétaire subissant le trouble.
En effet, il est possible de le poursuivre pour trouble anormal de voisinage si ses plantations, pourtant situées à la distance requise causent au propriétaire une gêne excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Le trouble anormal procède du dommage et non de la faute. Ainsi, il est nécessaire de prouver l’existence d’un trouble excessif dépassant les inconvénients normaux du voisinage.
En effet, les tribunaux considèrent qu’il n’est pas possible de faire supporter au propriétaire d’un arbre toutes les conséquences de la présence de ce végétal et la chute ou l’infiltration d’aiguilles d’un cèdre ou de feuilles n’est qu’un inconvénient normal du voisinage.
La Cour d’appel de Paris, dans une décision du 24 février 1994, a jugé que ne constituent pas des troubles dépassant les inconvénients normaux du voisinage, les chutes de feuilles, graines ou fleurs, ou la résurgence de racines de peupliers sur les héritages limitrophes, dès lors qu’elles constituent autant de phénomènes naturels qui ponctuent le rythme des saisons et contribuent à travers la présence de la vie végétale au charme de cette résidence de grande banlieue. De surcroît, les peupliers en cause apportent une ombre appréciable en été aux propriétaires des jardins voisins et constituent pour eux une protection contre le vent.[5]
Egalement, la Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 27 septembre 2005, précise que :
« si la végétation poussant ainsi sur le fonds LEROUX crée une certaine diminution d’ensoleillement dans le fonds voisin DERRIEN, ainsi que l’inconvénient de recevoir à l’automne des feuilles emportées par le vent, il ne résulte pas des faits de la cause que ces inconvénients soient suffisants pour justifier les demandes formulées par les consorts DERRIEN.
Considérant qu’en effet, il n’est pas justifié d’une perte importante d’ensoleillement dans les pièces d’habitation de la maison des DERRIEN,
Considérant que le fait de subir un peu d’humidité sur le toit de la maison, en raison de la présence de la végétation dans le fonds voisin, n’excède pas ce qui est normal de subir dans un cadre de quartier d’habitation avec jardin d’importance moyenne, que de même il n’est pas justifié de ce que le volume des feuilles pouvant être reçues chaque année en provenance du fonds voisins entraîne pour des propriétaires des soucis et des tracasseries excédant ce que l’on doit souffrir dans le cadre d’un habitat de ce type ».[6]
Cependant, les tribunaux admettent parfois le trouble anormal de voisinage.
Ainsi, la Cour d’appel de Rouen, dans une décision du 10 janvier 2007, précise que par application combinée des articles 544 et 1382 du Code civil, il est de principe que le droit de propriété est limité par l’obligation de ne causer au voisin aucun dommage qui dépasserait les inconvénients normaux du voisinage.
En l’espèce, le fait que les arbres respectent très largement la distance légale imposée par l’article 671 du Code civil est sans incidence. Ces arbres, implantés dans une zone semi-rurale et semi-urbaine, ont atteint une hauteur qui génère des nuisances importantes. La propriété voisine est envahie d’aiguilles de pins imputrescibles et de feuilles, ce qui contraint la voisine à procéder au nettoyage régulier de sa propriété et ce qui diminue très sensiblement l’ensoleillement de sa terrasse. L’auteur du trouble, qui est propriétaire d’un très grand terrain, doit être condamné à abattre tous les pins, à élaguer les bouleaux et l’érable et doit réparer le trouble de jouissance subi par sa voisine, à hauteur de 1500 euros.[7]
Egalement, la Cour d’appel de Chambéry a jugé, dans une décision du 30 août 2005, que :
« si l’existence d’arbres de grande hauteur plantés à la distance légale est insuffisante en soi à caractériser un trouble anormal, tel n’est plus le cas lorsque ces arbres de grande hauteur implantés à une faible distance d’une maison d’habitation occasionnent une gêne importante en diminuant de façon conséquente l’ensoleillement de la propriété et en entraînant des nuisances telles que la chute de branches et l’accumulation importante de feuilles mortes […] que la présence de ces arbres du fait de leur hauteur occasionne des nuisances importantes liées à la perte d’ensoleillement et à la présence de feuilles mortes en automne ».
La Cour d’appel a ordonné l’abattage des arbres et a alloué aux victimes de ce trouble de voisinage une indemnité de 12000 euros compensant le préjudice subi depuis au moins cinq ans du fait de la perte d’ensoleillement et de l’accumulation des feuilles mortes.[8]
Egalement, la Cour d’appel de Grenoble, dans une décision du 8 janvier 2003, a considéré que la présence d’arbres de grande taille entraînant pour le propriétaire voisin une perte partielle d’ensoleillement et une privation de vue sur le massif de Belledonne pour le voisin même s’ils respectent la limité séparative des propriétés doit s’analyser en un trouble anormal de voisinage, la gêne ne pouvant que s’accentuer au cours des années, les arbres pouvant atteindre une hauteur de 20 à 25 mètres. Il doit être ainsi créé une ouverture de vue par l’abattage de certains pins noirs et procédé à l’élagage de certaines branches latérales pour d’autres pins.[9]
Confronté à une perte d’ensoleillement en raison de la présence d’arbres de grande hauteur le Juge tranchera sur le caractère anormal du trouble.
Il est toujours envisageable d’engager une action sur le fondement du trouble anormal de voisinage en démontrant que les arbres du voisin occasionnent une gêne excessive.
Il est souvent nécessaire de faire établir un constat d’huissier, voire d’envisager une expertise avant d’engager une action au fond.
Il faut toujours exposer calmement au voisin les griefs pour favoriser un accord intelligent.
L’élagage peut d’ailleurs se faire à frais communs.
[1] Articles L 511-3 et R 511-1 du Code rural
[2] Cass. Civ.3ème du 16 mai 2000, n°98-22.382
[3] Article 672 du Code civil
[4] Cass. Civ.3ème du 8 décembre 1981, n°81-14.743, Bull civ. n°207, p.151
[5] CA Paris chambre 8 section B, 24 février 1994, jurisdata n°020213
[6] Cour d’appel de Rennes du 27 septembre 2005, jurisdata n°293592
[7] Cour d’appel de Rouen du 10 janvier 2007, jurisdata n°334231
[8] Cour d’appel de Chambéry du 30 août 2005, jurisdata n°296675
[9] Cour d’appel de Grenoble du 8 janvier 2003, jurisdata n°209705
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