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Archive mensuelle décembre 2020

ParEtienne CHEVALIER - Avocat en droit immobilier

Arbre et troubles de voisinage – Comment contraindre son voisin à abattre un arbre ?

  • Sur la distance des plantations par rapport à la limite séparative des parcelles

En application des articles 671 et 672 du Code Civil, une distance minimum de plantation des arbres est à respecter.

671 du CPCP : « Il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations. Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur. Si le mur n’est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d’y appuyer les espaliers. »

672 du CPC : « Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l’article précédent, à moins qu’il n’y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire. Si les arbres meurent ou s’ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu’en observant les distances légales. »

En cas de non-respect de cette distance, il est possible de faire échec à la demande d’abattage du voisin en justifiant de l’acquisition d’une prescription trentenaire courant à compter du jour où les arbres ont dépassé deux mètres de hauteur.

En revanche, la prescription ne peut être opposée lorsque le développement des arbres est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.

  • Sur le trouble de voisinage

Le trouble de voisinage trouve sa base légale dans les articles 1240 à 1244 du Code Civil.

Un arbre peut être à l’origine d’un trouble anormal subi par le voisin.

Le trouble de voisinage est composé de plusieurs types de nuisances pouvant toutes être imputées à la présence des arbres.

Dans les hypothèses pourront être citées à titre d’exemple :

  • risque d’effondrement ou de chute probable
  • création d’une ombre excessive (perte d’ensoleillement)
  • chute de résidus végétaux (feuilles en grand nombre, pollen, substances produites par l’arbre tilleul)
  • dommages causés par le développement du système racinaire (obturation de réseau d’évacuation, déformation du sol, soulèvement du revêtement bitumé ou des installations du voisin type terrasse, margelle de piscine, voie d’accès aménagée)

Sur le fondement du trouble de voisinage, il est donc possible de demander la suppression et l’abattage d’un arbre dès lors que celui-ci est à l’origine d’un dommage anormal ou n’étant pas la conséquence normale et/ou prévisible de l’occupation des parcelles voisines de celles occupées par la victime.

  • Moyens de preuve à fournir pour obtenir l’abattage d’un arbre

En matière de recours entre voisins, il appartient à celui qui prétend disposer du droit de solliciter l’abattage d’un arbre de justifier de la recevabilité de ses prétentions.

En ce qui concerne la violation de la distance légale de plantation, il faut établir l’âge des arbres (et la distance).

Cette preuve peut être faite par tout moyen sachant que le développement d’un arbre permet de dater avec une précision relative son âge.

Il peut subsister une certaine approximation puisque la prescription ne commence à courir qu’à partir du moment où l’arbre a atteint deux mètres de hauteur et que le temps nécessaire pour atteindre cette hauteur ne peut évidemment pas être déterminé avec une précision scientifique.

La vitesse de croissance dépend de l’essence et des conditions climatiques. On peut toutefois considérer que lorsqu’il est planté l’arbre mesure entre 60 cm et 1 mètre et qu’il lui faut entre 5 et 10 ans pour atteindre la taille de 2 mètres.

En ce qui concerne la preuve du trouble de voisinage, il faut établir l’existence d’un trouble d’une gravité suffisante pour pouvoir être considéré comme « anormal » au regard des inconvénients normaux de voisinage.

Les moyens de preuve peuvent être des clichés photographiques, des constats d’huissier ou un rapport d’expertise (contradictoire ou non).

La position actuelle de la Cour de Cassation en matière de contrôle du respect du principe du contradictoire en matière d’expertise porte non pas sur les conditions de réalisation de l’expertise (contradictoire ou non) mais sur la possibilité de débattre contradictoirement des conclusions de l’expert au cours de l’instance à l’occasion de laquelle le rapport non contradictoire est versé aux débats (voir en ce sens Cass. Civ. 17/04/2008 n°07-16824, Cass. Civ. 08/09/2011 n°10-19919, Cass. Civ 2e 07/09/2017 n°16-15531).

Ce principe a d’ailleurs été assoupli et la Cour de Cassation 3ème Civ dans un  Arrêt du 15/11/2018 n°16-26672, a indiqué « ne viole pas le principe de contradiction, le juge qui se fonde sur le rapport d’expertise judiciaire établi lors d’une instance antérieur et sur le rapport d’expertise établi unilatéralement à la demande d’une partie dès lors que ces éléments ont été soumis à la libre discussion des parties ».

Dès lors que la partie à laquelle on oppose le rapport non contradictoire est en mesure d’en contester les termes et les avis exprimés, un rapport non contradictoire peut parfaitement être produit et pris en compte. Ce rapport peut à lui seul constituer le fondement de la décision du juge (Cour de Cassation 15/11/2018).

L’expert en charge des opérations devra se prononcer sur l’âge de l’arbre litigieux, sur son état général (état sanitaire, état physiologique et état mécanique).

A l’issue de son rapport, l’expert devra donner son avis sur les mesures spécifiques à prendre (réduction hauteur, abatage et sous quel délai).

  • Préjudice indemnisable

Outre les mesures destinées à mettre un terme définitif aux troubles éprouvés il est possible de solliciter la condamnation des voisins à des dommages et intérêts ayant vocation à réparer le préjudice que vous avez subi depuis l’acquisition de votre immeuble.

Ces préjudices sont sur le plan matériel composés des privations de jouissance et des sujétions dont les conséquences dommageables accumulées caractérisent un trouble anormal de voisinage. Le préjudice correspond également aux frais futurs de remise en état éventuels.

Je suis à votre disposition pour vous accompagner dans les différentes démarches à mener.

E.CHEVALIER

Avocat en Droit Immobilier